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La Tunisie célèbre le 61e anniversaire de la fête de l'évacuation

La Tunisie célèbre, ce mardi 15 octobre 2024,  le 61ème anniversaire de la fête de l'évacuation; le jour de 1963 qui a marqué le départ définitif du port de Bizerte, des dernières forces françaises, restées en Tunisie, après l'indépendance.

Face au mouvement de troupes tunisiennes et de citoyens, le 19 septembre 1963, vers la base militaire de Sidi Ahmed à Bizerte, le dernier bastion de l'armée française en Tunisie, après l'indépendance le 20 mars 1956, le commandement militaire de Bizerte prépara un plan d’attaque qu’il présenta au gouvernement de Paris. Les directives du général-président étaient claires : «frapper vite et fort».

Les forces en présence étaient inégales. Le dispositif tunisien était formé par les Ve, VIe, VIIe et XIIe bataillons d’infanterie, équipés de quelques pièces d’artillerie (de calibre 105 mm), et soutenus par deux cents éléments de la Garde nationale et par six mille volontaires, sans armes ou faiblement armés. En face, les Français disposaient, selon l’amiral Amman, de 7700 hommes (trois mille cinq cents étaient préparés à l’affrontement), trente six avions (9 Mistral, 15 Mystère, 12 Corsaire) et quatre escadrons de défense aérienne et navale. Ces unités étaient renforcées par plusieurs bâtiments de guerre (Arromanches, Colbert, De Grasse…) mouillant dans la rade. D’autres renforts arrivèrent le 19 juillet d’Algérie, à savoir le IIe bataillon de parachutistes de l’infanterie de la Marine (R.P.I.M.A) et le IIIe R.E.I.

Le 19 juillet, le gouvernement tunisien intima à son armée l’ordre d’abattre tout avion violant l’espace aérien national. À 15 h 00, des appareils français de reconnaissance, volant au-dessus des positions tunisiennes, furent attaqués. Ces derniers ripostèrent alors par un bombardement intensif.

Les troupes tunisiennes dirigèrent, à leur tour, leurs canons vers les installations de la base française de Sidi Ahmed et de Kharrouba et des accrochages opposèrent les deux armées au port de Sidi Abdallah et à Ferryville (actuelle Menzel Bourguiba, à 20 kilomètres de Bizerte).

Le 20 juillet, les Tunisiens attaquent de nouveau la base de Sidi Ahmed, alors que les Français préparaient une vaste offensive baptisée « Charrue longue». Des centaines de volontaires furent pilonnés à la Pêcherie et des combats sanglants se déroulèrent à la gare de Sidi Ahmed. Des avions venant de Kharrouba, bombardèrent les troupes
tunisiennes, retranchées dans la cimenterie, qui leur opposèrent une résistance héroïque. À la suite de ces affrontements, qui coûtèrent la vie à des centaines de ses soldats et de ses citoyens, la Tunisie a rompu, pour la quatrième fois, ses relations diplomatiques avec la France.

Le 21 juillet, les troupes françaises donnèrent l’assaut à la ville, avec trois mille six cents hommes qui investirent les abords de Bab Mateur. Les parachutistes réussirent à prendre le canal, alors que les Tunisiens se retranchèrent dans la médina et commencèrent à livrer aux envahisseurs une véritable guérilla urbaine.

Les parachutistes, humiliés en Algérie, soignèrent leurs vieilles rancœurs, en s’attaquant à des gens quasiment désarmés. L’un d’eux aurait déclaré :
«nos armes et leur effet foudroyant nous donnaient une sensation extraordinaire de puissance. À ce moment, la renommée de la France dans le monde m’importait peu… Nous étions, nous parachutistes, comme un troupeau de loups qui se répandaient dans la ville et resserraient l’étau autour de l’armée tunisienne».

Les combats continuèrent toute la nuit du 20 au 21 juillet dans les rues et les ruelles de la cité désertée par les habitants. Le jour du samedi s’est levé sur des dizaines de cadavres jonchant les coins et les recoins de la ville martyre.

Malgré le déséquilibre flagrant des forces, l’armée tunisienne s’accrocha aux murs de la médina et opposa aux Français, postés dans la ville moderne, une résistance qu’ils n’avaient guère prévue.

En l'absence de statistiques exactes, relatives aux victimes, certaines études avancent, néanmoins, les chiffres suivants : 639 tués (364 militaires, 45 membres de la Gardes nationale, 230 civils), et 1000 blessés du côté tunisien. Du côté français : 27 morts seulement.

Devant la gravité de la situation, le Conseil de sécurité a décidé un cessez-le-feu immédiat (23 juillet) que les Français ne respectèrent que partiellement, puisqu’ils continuèrent à bombarder d’autres localités (l’Aouina, le Kef...). La Tunisie rappela son contingent du Congo et déposa une seconde plainte internationale.

La visite du secrétaire général de l’O.N.U, Dag Hammarskjöld, n’a pas eu d’effet ; les Français refusèrent de le rencontrer, après avoir fouillé son cortège. Toutefois, grâce au soutien des pays afro-asiatiques, la Tunisie fit pencher la balance de son côté dans les couloirs de l’instance internationale (26 août 1961).

Fort de l’adhésion de son peuple, de la résistance de son armée et de sa victoire diplomatique, le gouvernement tunisien, dirigé par le leader Habib Bourguiba, a refusé que la question de Bizerte soit discutée d’une façon bilatérale avec la France. Il repoussa, en outre, la normalisation des relations diplomatiques, tant qu’il n’y aurait pas de négociations sérieuses sur la question.

Mais les relations entre les deux pays méditerranéens commencèrent à se détendre graduellement, à travers l’échange des prisonniers (215 Français et 740 Tunisiens). Des négociations s’ouvrirent à Rome (7–8 et 27 – 28 décembre 1961) puis à Paris (15 – 19 janvier 1962). La France a fini par accepter le principe de l’évacuation.

Le 15 octobre 1963, l’amiral Vivier quitta Bizerte, escorté par deux patrouilleurs tunisiens, Destour et Djamhuriya. Des réjouissances furent organisées, en présence de dirigeants égyptiens et maghrébins, pour fêter la victoire du peuple tunisien et le départ du dernier symbole du colonialisme.